Episode 14 - La théorie du complot

Publié le par L'Arche de Porquerolles

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Prenez un tempérament inquiet (catégorie "va voir toutes les dix minutes le bébé confié à sa garde pour être sûre qu'il n'oublie pas de respirer").

Ajoutez une éducation "à l'ancienne" où on vous a très tôt appris à vous débrouiller par vous-même.

Parsemez d'une touche de farouche indépendance, d'un soupçon d'impatience - quand c'est vous, ça plus vite et d'un goût certain pour l'apprentissage auto-didacte. 

Vous obtenez une personne qui a un mal fou à déléguer. 

Déterminée à lâcher du lest sur votre côté "je gère, j'assume", optimiste, vous décidez de prendre la clé des champs pour savourer votre jour de congé

Afin de parer à toute éventualité, vous rédigez pour votre équipe un vademecum de deux pages détaillant précisément toutes les routines à effectuer tel jour à telle heure, les petites habitudes de vos clients en long séjour, préparez les fiches d'enregistrement (même si vous serez là pour les arrivées), les factures (au cas où certains clients partiraient avant votre retour - pourtant prévu en conséquence), la procédure de check-in manuel - pour éviter à vos collègues de se colleter avec "la bestiole", c'est-à-dire votre superbe - et détesté - PC. 

Vous encaissez même les walk-in arrivés avant votre départ, pour faciliter la tâche de vos collègues en votre absence. 

Vous êtes une responsable en or (mes chevilles vont bien, merci).

Et vous partez, confiante en les capacités de votre équipe, certaine d'avoir parfaitement préparé votre absence. Vous avez transféré les appels sur votre portable pour être sûre de ne manquer aucun appel et continuer à gérer les demandes de réservation sans que vos clients n'aient à attendre votre retour. Vous emportez "mon bébé" sous le bras (votre Mac portable bien-aimé, par opposition à "la bestiole"). Vous avez même rangé votre bureau - meuble de classement compris.

Evidemment, le "jeudi noir" commence dès huit heures trente: un client qui s'impatiente - vous aviez promis hier soir de le rappeler, et vous ne l'avez pas encore fait: certes Monsieur, mais depuis 19h00 et dans le trian, j'avais du mal à me connecter à Internet; et le câble d'alimentation de la nouvelle box internet joue à cache-cache avec l'installateur. Sale bête. A 200 km de là, vous vous sentez bien impuissante, et vous contentez de bredouiller (avant la première tasse de thé, vous n'êtes pas au top de vos performances) "le câble est rangé avec la boîte, cherchez encore".

La matinée se passe pendue au téléphone - ce qui vous vaut, bien sûr, les grognements nourris des amis avec qui vous passez la journée, et un repas assez perturbé. 

Et, miracle, à 14h00, plus d'appels.

Vous savourez le silence. 

A 16h00, vous vous inquiétez: un jeudi, veille de week-end, avec encore quelques chambres à vendre... Allô, l'Arche? 

L'Arche aurait-elle disparu sous les flots? Nenni pourtant, il règne sur Porquerolles un superbe soleil. Nul typhon, nulle tempête n'a englouti votre charmant petit hôtel. 

Vous laissez un message à votre collègue "vérifie que le transfert d'appel est toujours actif". 

Vous contemplez votre portable toutes les trois minutes, comme une ado énamourée. 

A 21h00, enfin, votre collègue reçoit votre message et vérifie le transfert... "Ah, la box ne marche pas, les voyants sont tous au rouge."

"Débranche, rebranche, débranche..."

Ca ne fonctionne toujours pas. C'est vous qui voyez rouge, du coup. Même si vous savourez le calme de votre jour de repos. 

Enfin, vendredi, retour aux sources. L'Arche de Porquerolles est toujours debout, les clients sont partis, votre collègue a encaissé les règlements, fait les arrivées... 

Et votre bureau si bien rangé est dans un bazar épouvantable. 

Et, pire, vos outils de travail sont hors service: plus de téléphone, plus d'Internet. 

Vous débranchez la nouvelle box et remettez l'ancienne: Internet revient. Pas le téléphone.

Vous bataillez avec France Telecom. Pas de téléphone. 

Vous enguirlandez le technicien responsable du standard. Qui pense à un court-circuit ou une panne de courant.

Fort heureusement, vous avez sous la main Monsieur l'électricien, qui vérifie toute de suite l'installation électrique: tout va bien.

Vous rappelez le technicien du standard, qui du coup va arriver de Saint-Tropez avec un nouveau standard sous le bras pour tester l'installation. 

Vous continuez à râler: tout est en état quand vous partez, rien ne fonctionne quand vous rentrez, et en plus, ô sacrilège, les artisans qui ont mis votre bureau à l'envers n'ont pas rangé derrière eux. Vous êtes furieuse mais "ah c'est pas moi", répètent à l'envi les différents spectateurs de votre agacement croissant. 

Et soudain votre mère parle par votre bouche: "mais je me contrefiche de savoir qui c'est ou ce que c'est, je veux simplement que cela soit REMIS EN ETAT."

Ceci dit, vous ne vous en contrefichez pas du tout, car si vous savez POURQUOI, la prochaine fois, vous vous débrouillerez toute seule, sans devoir attendre l'assistance d'un tiers - qui met le bazar...

Le technicien arrive, son standard sous le bras. 

Furète çà et là.

Et trouve l'origine de la panne: un câble électrique débranché. Alors que l'électricien avait dit que tout était en ordre de son côté. Ah oui, mais ce câble-là a été débranché "pas par moi". Et il ne savait pas que le câble était là, "c'est pas moi qui l'ai mis". 

Bref. J'y ai passé ma journée - ou presque - mais tout est rentré dans l'ordre (sauf mon bureau, ceci dit). Toutefois, vu le cauchemar qu'a été le retour, je soupçonne un gigantesque complot visant à me dissuader de quitter l'île à nouveau...

 

 

Publié dans Brèves de comptoir

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C
<br /> <br /> J'ai été MDR du début à la fin... Attention ceci dit aux mots de jargon non expliqués ("walk in" ?) : les gens adorent le jargon (ils découvrent qqch) mais il faut leu leur traduire... Bonne<br /> chevilles (qui ont tellement enflé qu'elles se sont traduites par une entorse, je crois ? ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Aaaaaah ... le problème de la délégation ... je connais aussi ! ;)<br /> <br /> <br /> La prochaine fois, vérifie tous les fils toi-même, condamne l'accès et tu auras une journée off sereine !<br /> <br /> <br /> <br />
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